XX
DE LOCUTIONIS SIGNIFICATIONE

 

 

Après la très intéressante contribution apportée par notre ami Granoff, et qui s'adaptait comme une bague au progrès que le précédent séminaire avait ouvert, c'est de la façon la plus aisée que j'ai poursuivi mon propos, et que j'ai pu vous mener jusqu'à une précision qui, jusque-là, était restée en suspens dans la succession d'interrogations que j'ai posée devant vous.

Cette précision, c'est que c'est seulement sur le plan du symbolique que la fonction du transfert peut être comprise. Autour de ce point central s'ordonnent toutes les manifestations dans lesquelles nous la voyons nous apparaître, et cela jusque dans le domaine de l'imaginaire.

Pour le faire saisir, je n'ai pas cru pouvoir mieux faire que de mettre l'accent sur la première définition du transfert donnée par Freud.

Ce dont il s'agit fondamentalement dans le transfert, c'est de la prise de possession d'un discours apparent par un discours masqué, le discours de l'inconscient. Ce discours s'empare de ces éléments vidés, disponibles que sont les Tagesreste, et de tout ce qui, dans l'ordre du préconscient, est rendu disponible par un moindre investissement de ce besoin fondamental du sujet qui est de se faire reconnaître. C'est dans ce vide, dans ce creux, avec ce qui devient ainsi des matériaux que s'exprime le discours secret, profond. Nous le voyons dans le rêve, mais nous le retrouvons aussi dans le lapsus et dans toute la psychopathologie de la vie quotidienne.

C'est à partir de là que nous écoutons celui qui nous parle. Et nous n'avons qu'à nous référer à notre définition du discours de l'inconscient, que c'est le discours de l'autre, pour comprendre comment il rejoint authentiquement l'intersubjectivité dans cette réalisation pleine de la parole qu'est le dialogue.

Le phénomène fondamental de la révélation analytique, c'est ce rapport d'un discours à un autre qui le prend comme support. Nous trouvons là manifesté ce principe fondamental de la sémantique, qui est que tout sémantème renvoie à l'ensemble du système sémantique, à la polyvalence de ses emplois. Aussi bien, pour tout ce qui est proprement du langage, en tant qu'il est humain, c'est-à-dire utilisable dans la parole, il n'y a jamais univocité du symbole. Tout sémantème est toujours à plusieurs sens.

D'où nous débouchons sur cette vérité absolument manifeste dans notre expérience, et que les linguistes savent bien, que toute signification ne fait jamais que renvoyer à une autre signification. Aussi bien les linguistes en ont-ils pris leur parti, et c'est à l'intérieur de ce champ que désormais ils développent leur science.

Il ne faut pas croire que cela se poursuive sans ambiguïté, et que, pour un Ferdinand de Saussure qui l'a vu clairement, les définitions aient toujours été données d'une façon parfaitement satisfaisante.

Le signifiant, c'est le matériel audible, ce qui ne veut pas dire pour autant le son. Tout ce qui est de l'ordre de la phonétique n'est pas pour autant inclus dans la linguistique en tant que telle. C'est du phonème qu'il s'agit, c'est-à-dire du son comme s'opposant à un autre son, à l'intérieur d'un ensemble d'oppositions.

Quand on parle du signifié, on pense à la chose, alors qu'il s'agit de la signification. Néanmoins, chaque fois que nous parlons, nous disons la chose, le signifiable, à travers le signifié. Il y a là un leurre, car il est bien entendu que le langage n'est pas fait pour désigner les choses. Mais ce leurre est structural dans le langage humain et, en un sens, c'est sur lui qu'est fondée la vérification de toute vérité.

Lors d'un entretien que j'ai eu récemment avec la personne la plus éminente que nous ayons dans ce domaine en France, et qui peut être légitimement qualifiée de linguiste, M. Benveniste, on me faisait remarquer qu'une chose n'avait jamais été mise en évidence. Vous en serez peut-être surpris parce que vous n'êtes pas linguistes.

Partons de la notion que la signification d'un terme doit être définie par l'ensemble de ses emplois possibles. Cela peut s'étendre aussi à des groupes de termes, et à la vérité il n'y a pas une théorie de la langue si on ne prend pas en compte les emplois des groupes, c'est-à-dire des locutions, des formes syntaxiques aussi. Mais il y a une limite, et c'est celle-ci – la phrase, elle, n'a pas d'emploi. Il y a donc deux zones de la signification.

Cette remarque a la plus grande importance, car ces deux zones de la signification, c'est peut-être quelque chose à quoi nous nous référons, car c'est une façon de définir la différence de la parole et du langage.

Un homme aussi éminent que M. Benveniste a fait cette découverte récemment. Elle est inédite, et il me l'a confiée comme une démarche actuelle de sa pensée. C'est quelque chose qui est bien fait pour nous inspirer mille réflexions.

En effet, le P. Beirnaert a eu l'idée de me dire – Tout ce que vous venez d'énoncer sur le sujet de la signification, est-ce que ça ne serait pas illustré dans la Disputatio de locutionis significatione, qui constitue la première partie du De magistro ? Je lui ai répondu – Vous parlez d'or. Ce texte n'est pas sans avoir laissé quelques traces dans ma mémoire, et à l'intérieur même de ce que je vous ai enseigné la dernière fois. Il ne faut pas négliger le fait que les paroles que je vous envoie obtiennent de telles réponses, voire de telles commémorations, comme s'exprime saint-Augustin, ce qui est en latin l'équivalent exact de remémoration.

La remémoration du R. P. Beirnaert vient aussi à point que les articles que nous avait apportés Granoff. Et il est assez exemplaire de s'apercevoir que les linguistes, si tant est que nous puissions rassembler à travers les âges une grande famille qui s'appellerait de ce nom, les linguistes, ont mis quinze siècles à redécouvrir, comme un soleil qui se lève à nouveau, comme une aube naissante, des idées qui sont déjà exposées dans le texte de saint Augustin, qui est un des plus admirables qu'on puisse lire. Et je me suis donné le plaisir de le relire à cette occasion.

Tout ce que je viens de vous dire sur le signifiant et le signifié est là, développé avec une lucidité sensationnelle, tellement sensationnelle que je crains que les commentateurs spirituels qui se sont livrés à son exégèse n'en aient pas vu toujours toute la subtilité. Ils trouvent que le profond Docteur de l'Église s'égare dans des choses bien futiles. Ces choses futiles, ce n'est rien d'autre que ce qu'il y a de plus aigu dans la pensée moderne sur le langage.

 

1

 

R. P. Beirnaert : – Je n'ai eu que six ou sept heures pour explorer un peu ce texte, et je ne peux vous faire qu'une petite introduction.

 

Comment traduisez-vous De locutionis significatione ?

 

R. P. Beirnaert : – Dela signification de la parole.

 

Incontestablement. Locutio est parole.

 

R. P. Beirnaert : – Oratio est le discours.

 

Nous pourrions dire – De la jonction signifiante de la parole, car nous avons plus loin un texte où significatio lui-même a bien ce sens. Ici, parole est employé au sens large, c'est le langage mis en fonction dans l'élocution, voire l'éloquence. Ce n'est ni la parole pleine, ni la parole vide, c'est l'ensemble de la parole. La parole pleine, comment le traduiriez-vous en latin ?

 

R. P. Beirnaert : – Il y a cette expression – sententia plena. L'énoncé plein est celui où il y a non seulement un verbe, mais un sujet, un nom.

 

Ça veut dire simplement la phrase complète, ce n'est pas la parole. Saint Augustin cherche là à démontrer que tous les mots sont des noms. Il emploie plusieurs arguments. Il explique que tout mot peut être employé comme nom dans une phrase. Si est une conjonction de subordination. Mais dans la phrase le si me déplaît, ce mot est employé comme nom. Saint Augustin procède avec toute la rigueur et l'esprit analytique d'un linguiste moderne, et il montre que c'est l'usage dans la phrase qui définit la qualification d'un mot comme partie du discours. Bien. Avez-vous pensé comment traduire en latin parole pleine ?

 

R. P. Beirnaert : – Non. Peut-être le rencontrera-t-on au cours du texte. Si vous permettez, je vais situer le dialogue De Magistro. Il a été composé par Augustin en 389, quelques années après son retour en Afrique. Il est intitulé Du maître, et il comporte deux interlocuteurs – Augustin et son fils Adéodat, lequel était âgé alors de seize ans. Cet Adéodat était très intelligent, c'est saint Augustin qui le dit, et il assure que les paroles d'Adéodat ont été vraiment prononcées par ce garçon de seize ans, qui s'avère donc être un disputeur de première force.

 

L'enfant du péché.

R. R Beirnaert : – Le thème axial, qui marque la direction vers laquelle s'oriente tout le dialogue, c'est que le langage transmet la vérité du dehors par les paroles qui sonnent au-dehors, mais que le disciple voit toujours la vérité au-dedans.

Avant d'en arriver à cette conclusion vers laquelle se précipite la discussion, le dialogue serpente longuement et livre une doctrine du langage et de la parole dont nous pourrons tirer quelque profit.

J'en donne les deux grandes parties – la première est la Disputatio de locutionis significatione, discussion sur la signification de la parole, la seconde partie s'intitule Veritatis magister solus est Christus, le Christ est seul maître de vérité.

La première partie se divise elle-même en deux sections. La première est intitulée synthétiquement De signis. On traduit assez mal–  De la valeur des mots. Il s'agit de bien autre chose, car on ne peut identifier signum et verbum. La seconde section a pour titre Signa ad discendum nihil valent, les signes ne servent de rien pour apprendre. Commençons par le Sur les signes.

Interrogation d'Augustin à son fils – Qu'est-ce que nous voulons faire, quand nous parlons ? Réponse – Nous voulons enseigner ou apprendre, suivant la position de maître ou de disciple. Saint Augustin va essayer de montrer que, même quand on veut apprendre et qu’on interroge pour apprendre, on enseigne encore. Pourquoi ? Parce que l'on enseigne à celui à qui on s'adresse dans quelle direction l'on veut savoir. Donc, définition générale – Tu vois donc, mon cher, que par le langage, on ne fait rien d'autre qu'enseigner.

Vous me permettez une remarque ? Vous saisissez combien nous sommes dès ce départ au coeur de ce que j'essaie ici de vous expliquer. Il s'agit de la différence qu'il y a entre la communication par signaux et l'échange de la parole inter-humaine. Augustin est d'emblée dans l'élément de l'intersubjectivité, puisqu'il met l'accent sur docere et dicere, impossibles à distinguer. Toute interrogation est essentiellement une tentative d'accord des deux paroles, ce qui implique qu'il y ait d'abord accord des langages. Aucun échange n'est possible, sinon à travers l'identification réciproque de deux univers complets du langage. C'est pourquoi toute parole est déjà, comme telle, un enseigner. Elle n'est pas un jeu des signes, elle se situe, non pas au niveau de l'information, mais à celui de la vérité.

 

R. P. Beirnaert : – Adéodat – Je ne pense pas que nous voulions rien enseigner lorsque personne n'est là pour apprendre.

 

Chacune de ces répliques mériterait d'être isolée en elle-même.

 

R. P. Beirnaert : – Ayant mis l'accent sur l'enseignement, il passe à une excellente manière d'enseigner, per commemorationem c'est-à-dire par ressouvenir. Il y a donc deux motifs du langage. Nous parlons ou pour enseigner, ou pour faire se ressouvenir, soit les autres, soit nous-même. A la suite de ce début de dialogue, Augustin pose la question de savoir si c'est seulement pour enseigner ou se souvenir que la parole a été instituée. Ici, n'oublions pas l’atmosphère religieuse dans laquelle se situe le dialogue. L'interlocuteur répond qu'il y a tout de même la prière, dans laquelle on dialogue avec Dieu. Peut-on croire que Dieu reçoive de nous un enseignement ou un rappel ? Notre prière n'a pas besoin de paroles, dit exactement Augustin, sinon quand il faut que les autres sachent que nous prions. Avec Dieu, on n'essaie pas de se ressouvenir ou d'enseigner au sujet avec lequel on dialogue, mais plutôt d'avertir les autres que l'on est en train de prier. Donc, on ne s'exprime que par rapport à ceux qui peuvent nous voir dans ce dialogue.

La prière touche ici à l'ineffable. Elle n'est pas dans le champ de la parole.

 

R. P. Beirnaert : – Cela dit, l'enseignement se fait par des mots. Les mots sont des signes. Nous avons ici toute une réflexion sur verbum et signum. Pour développer sa pensée, et expliciter la façon dont il conçoit le rapport du signe au signifiable, Augustin propose à son interlocuteur un vers de l'Enéide.

 

Il n'a pas encore défini signifiable.

 

R. P. Beirnaert : – Non, pas encore – il s'agit de signifier, mais quoi ? On ne sait pas encore. Il prend donc un vers de l'Enéide – livre II, vers 659 – Si nihil ex tanta Superis placet urbe relinqui. Si, d'une telle ville, il plaît aux dieux qu'il ne reste rien. Et par toute une maïeutique, il va essayer de rechercher cet aliquid qui est signifié. Il commence par demander à son interlocuteur.

 

aug. – Combien y a-t-il de mots dans le vers ?

ad. – Huit.

aug. – Il y a donc huit signes ?

ad. – Il en est ainsi.

aug. – Comprends-tu ce vers ?

ad. – Je le comprends.

aug. – Dis-moi maintenant ce que chaque mot signifie.

 

Adéodat est un peu embêté pour le si. Il faudrait retrouver un équivalent. Il ne le trouve pas.

 

aug. – Quelle que soit la chose signifiée par ce mot, sais-tu au moins où elle se trouve ?

ad. – Il me semble que si signifie un doute. Or, où se trouve le doute, si ce n'est dans l'âme ?

 

C'est intéressant, parce qu’immédiatement, nous voyons que le mot renvoie à quelque chose d'ordre spirituel, à une réaction du sujet comme tel.

 

Vous êtes sûr ?

 

R. P. Beirnaert : – Je crois.

 

Enfin, il parle là d'une localisation.

 

R. P. Beirnaert : –  Qu'il ne faut pas spatialiser. Je dis dans l'âme par opposition au matériel. Alors, il passe au mot suivant. C’est nihil, c'est-à-dire rien. Adéodat dit – Evidemment, c'est ce qui n'existe pas. Saint Augustin objecte que ce qui n'existe pas ne peut en aucune façon être quelque chose. Donc le second mot n'est pas un signe, parce qu'il ne signifie pas quelque chose. Et c'est par erreur qu'il a été convenu que tout mot est un signe, ou que tout signe est signe de quelque chose. Adéodat est embarrassé, car si nous n'avons rien à signifier, c'est de la folie de parler. Donc, il doit y avoir quelque chose.

 

aug. – Est-ce qu'il n'y a pas une certaine réaction de l'âme quand, ne voyant pas une chose, elle se rend compte cependant, ou croit s'être rendu compte que cette chose n'existe pas ? Pourquoi ne pas dire que tel est l’objet signifié par le mot rien, plutôt que la chose même, qui n'existe pas ?

 

Donc, ce qui est signifié ici, c'est la réaction de l'âme devant une absence de quelque chose qui pourrait être là.

 

La valeur de cette première partie est très exactement de montrer qu'il est impossible de manier le langage en référant terme à terme le signe à la chose. C'est signalétique pour nous, si on n'oublie pas que la négativité n'avait pas été élaborée au temps de saint Augustin. Et vous voyez que, tout de même, par la force des signes, ou des choses – nous sommes là pour tâcher de le savoir – c'est sur le nihil qu'il achoppe dans ce très beau vers. Le choix n'en est pas tout à fait indifférent. Freud connaissait certainement très bien Virgile, et ce vers qui évoque la Troie disparue fait curieusement écho au fait que, quand Freud veut, dans Malaise dans la civilisation, définir l'inconscient, il parle des monuments de la Rome disparue. Ici et là, il s'agit des choses qui disparaissent dans l'histoire, mais qui, en même temps, restent là présentes, absentes.

 

R. R Beirnaert : – Augustin passe ensuite au troisième terme, qui est ex. Là, son disciple lui donne un autre mot pour expliquer ce qu'il signifie. C'est le mot de, terme de séparation avec une chose où se trouve l'objet, dont on dit qu'il en vient. A la suite de quoi Augustin lui fait remarquer qu'il a expliqué des mots par des mots – ex par de, un mot très connu par d'autres très connus. Il le pousse alors à dépasser le plan où il continue de se situer.

 

aug. – Je voudrais que tu me montres, si tu le peux, les choses mêmes dont ces mots sont les signes.

 

Il prend comme exemple la muraille.

 

aug. – Est-ce que tu peux la montrer du doigt ? De la sorte, je verrais la chose même dont ce mot de trois syllabes est le signe. Et toi, tu la montrerais sans néanmoins apporter aucune parole.

 

C'est alors un exposé sur le langage par gestes. Augustin demande à son disciple s'il a bien examiné les sourds qui communiquent par geste, avec leurs congénères. Et il montre que, dans ce langage, ce ne sont pas seulement les choses visibles qui sont montrées, mais aussi les sons, les saveurs, etc.

 

O. Mannoni : – Cela me rappelle le petit jeu auquel nous nous sommes livrés à Guitrancourt, dimanche. Et au théâtre aussi, les acteurs font comprendre et développent des pièces sans paroles, au moyen de la danse...

 

Ce que vous évoquez là est en effet très instructif. C'est un petit jeu où il y a deux camps, et où l'un doit faire deviner à l'autre, le plus rapidement possible, un mot donné secrètement par le meneur de jeu. On y met en évidence exactement ce que saint Augustin nous rappelle dans ce passage. Car ce qui est dit ici n'est pas tellement la dialectique du geste, que la dialectique de l'indication. Qu'il prenne l'exemple de la muraille, nous ne nous en étonnerons pas, car c'est à la muraille du langage qu'il va se heurter, plus qu'à la muraille réelle. Il fait ainsi remarquer que ce ne sont pas seulement les choses qui peuvent être désignées, mais aussi les qualités. Si toute indication est un signe, c'est un signe ambigu. Car si on vous pointe la muraille, comment savoir si c'est bien la muraille, et non, par exemple, la qualité qu'elle a d'être râpeuse, ou verte, grise, etc. ? De même, dans le petit jeu de l'autre jour, quelqu'un, ayant à exprimer lierre est allé chercher du lierre. On lui a dit – Vous avez triché. C'est une erreur. La personne apportait trois feuilles de lierre. Cela pouvait désigner la couleur verte, ou la Sainte Trinité, et bien d'autres choses.

 

O. Mannoni : – J'allais faire une remarque. Je veux dire le mot chaise. Si le mot même me manque et que je brandisse une chaise pour compléter ma phrase, ce n'est pas vraiment la chose que j'emploie, mais le mot. Il n'est donc pas possible de parler par une chose, on parle toujours par mots.

 

Votre exemple illustre parfaitement comment l'interprétation procède dans l'analyse – nous interprétons toujours les réactions actuelles du sujet en tant qu'elles sont prises dans le discours, comme votre chaise qui est un mot. Quand Freud interprète les mouvements, les gestes, et prétendument les émotions, c'est de cela qu'il s'agit.

 

R. R Beirnaert : – Il n'y a rien qui puisse être montré sans signe. Pourtant Adéodat va essayer de montrer qu'il y a des choses qui peuvent l'être. Augustin pose la question suivante.

 

aug. – Si je te demandais : qu'est-ce que marcher? et que, te levant, tu accomplisses cet acte : ne te servirais-tu pas, pour me l'enseigner, de la chose elle-même plutôt que de paroles ou d'aucun autre signe ?

ad. – il en est ainsi, je l'avoue, et j'ai honte de n'avoir pas vu une chose aussi évidente.

 aug. – Si je te demandais quand tu marches : qu'est-ce que marcher ? Comment me l'apprendrais-tu ?

 ad. – Je ferais la même action un peu plus vite pour attirer ton attention après ton interrogation par quelque chose de nouveau, tout en ne faisant rien d'autre que défaire ce qui devrait être montré.

 

Mais c'est se hâter, qui n'est pas la même chose que marcher. On va croire que ambulare, c'est festinare. Tout à l'heure, avec le nihil on frôlait la négativité, maintenant, avec cet exemple, on fait remarquer qu'un mot comme festinare peut s'appliquer à toutes sortes d'autres actes. Plus précisément, on voit qu'à montrer n'importe quel acte dans son temps particulier, le sujet n'a aucune raison, s'il ne dispose pas de mots, de conceptualiser l'acte lui-même, car il peut croire qu'il s'agit de cet acte-là seulement dans ce temps-là. Nous retrouvons le temps, c'est le concept. C'est seulement si le temps de l'acte est pris en lui-même, séparé de l'acte particulier, que l'acte peut être conceptualisé comme tel, c'est-à-dire gardé dans un nom. Nous allons d'ailleurs arriver maintenant à la dialectique du nom.

Adéodat reconnaît donc que nous ne pouvons montrer une chose sans un signe quand nous l'accomplissons au moment d'être interrogés. Mais, si nous sommes interrogés sur un acte que nous pouvons faire, mais que nous ne faisons pas au moment où on nous interroge, cette fois nous pouvons répondre par la chose même, en nous mettant à faire cet acte. Nous pouvons par conséquent montrer sans signes, à condition de n'être pas en train de faire l'acte quand on nous interroge.

 

Adéodat fait une exception pour une seule action, qui est celle de parler. L'autre me demande – Qu'est-ce que parler ? – Quoi que je dise pour le lui apprendre, dit l'enfant, il m'est nécessaire de parler. Partant de là, je continuerai mes explications jusqu'à lui rendre clair ce qu'il veut, et cela sans m'écarter de la chose qu'il veut qu'on lui montre, et sans chercher des signes en dehors de cette chose elle-même. C'est la seule action qui puisse en effet se démontrer, parce que c'est l'action par essence qui se démontre par les signes. La signification seule est retrouvée dans notre appel, car la signification renvoie toujours à la signification.

 

R. P. Beirnaert : – Augustin reprend maintenant tous les points abordés pour les approfondir. Prenons le premier point, qui est que des signes se montrent par des signes.

 

aug. – Est-ce que les paroles sont seules des signes ?

ad. – Non.

aug. – il semble donc qu'en parlant, nous signifions par des mots, ou bien les mots eux-mêmes, ou bien d'autres signes.

Augustin montre alors que, par la parole, on peut signifier et désigner d'autres signes que la parole, par exemple des gestes, des lettres, etc.

 

Exemples de deux signes qui ne sont pas verba –  gestus et littera. Ici, saint Augustin se montre plus sain que nos contemporains, dont certains en arrivent à considérer que le geste n'est pas d'ordre symbolique, mais se situe par exemple au niveau d'une réponse animale. Le geste ainsi ferait objection à notre thèse que l'analyse se passe tout entière dans la parole. Et les gestes du sujet ? disent-ils. Or, un geste humain est du côté du langage et non de la manifestation motrice. C'est évident.

 

R. R Beirnaert : – Je poursuis la lecture.

 

aug. – Ces signes que sont les mots, à quel sens s'adressent-ils ?

 ad. – A l'ouïe.

aug. – Et le geste ?

 ad. – A la vue.

aug. – Et quand nous trouvons des mots écrits ? Ne sont-ce pas des mots, ou doivent-ils plus exactement se comprendre comme des signes de mots ? De la sorte, le mot serait ce qui est proféré comme un son de voix articulée avec une signification, laquelle ne peut être perçue par un autre sens que par l'ouïe.

 

Donc ce mot écrit renvoie au mot qui s'adresse à l'oreille, de façon que celui-ci s'adresse alors à l'esprit. Cela dit, Augustin va prononcer alors un verbum précis, nomen, le nom.

 

aug. – Nous signifions bien quelque chose avec ce verbum qu'est nomen puisque nous pouvons signifier Romulus, Roma, fluvius, virtus, des choses innombrables – ce n'est qu'un intermédiaire. Mais il y a bien différence entre ce nom et l'objet qu'il signifie. Quelle est cette différence ?

ad. – Les noms sont des signes, et les objets n'en sont pas.

 

Donc, toujours à l'horizon, tout à fait à la limite, les objets qui ne sont pas des signes. C'est ici qu’intervient pour la première fois le terme de significabilia. On appellera significables les objets susceptibles d'être désignés par un signe sans être eux-mêmes un signe.

 

On peut maintenant aller un peu plus vite. Les dernières questions portent toutes sur les signes qui se désignent eux-mêmes. Il s'agit d'approfondir le sens du signe verbal, qui joue autour du nomen et du verbum –  nous avons traduit verbum par mot alors que le frère Thonnard traduit à un moment par parole.

A ce propos, je voudrais faire remarquer qu'il se pourrait qu'un phonème isolé dans une langue ne désigne rien. On ne peut le savoir que par l'usage et par l'emploi, c'est-à-dire par son intégration dans le système de la signification. Verbum est employé comme tel, et c'est là-dessus que tourne la démonstration qui porte sur le point de savoir si tout mot peut être considéré comme un nomen. La question se pose. Même dans les langues où l'emploi substantif du verbe est extrêmement rare, comme en français, où nous ne disons pas couramment le laisser, le faire, le se trouver, la distinction du nom et du verbe est plus vacillante que vous ne pouvez le croire. Quelle est l'idée d'Augustin quand il veut identifier nomen et verbum ? Et quelle valeur, donnez-vous à nomen dans le langage du séminaire ?

C'est exactement ce que nous appelons ici le symbole. Le nomen, c'est la totalité signifiant-signifié, particulièrement en tant qu'elle sert à reconnaître, puisque sur elle s'établit le pacte et l'accord. C'est le symbole au sens de pacte. Le nomen s'exerce sur le plan de la reconnaissance. Cette traduction est conforme au génie linguistique du latin, où il y a bon nombre d'usages juridiques du mot nomen, lequel peut par exemple s'employer au sens de titre de créance.

Nous pouvons ainsi nous référer au jeu de mots hugolien – il ne faut pas croire qu'Hugo était un fou – nomen, numen. Le mot nomen a en effet une forme originelle qui le met en rapport avec numen, le sacré. Certes, l'évolution linguistique du mot a été happée par le nocere, ce qui a donné des formes comme agnomen, dont il est difficile de ne pas croire qu'elle vienne d'une captation de nomen par cognoscere. Mais les usages juridiques nous indiquent assez que nous ne nous trompons pas en reconnaissant là une fonction de reconnaissance, de pacte, de symbole inter-humain.

 

R. R Beirnaert : – En effet. Saint Augustin l'explicite par le passage où il parle des expressions comme ceci s'appelle, ceci se nomme. Cela se fait par référence à la notion intersubjective.

 

A un autre endroit, il établit une étymologie fantastique de verbum et nomen – verbum est le mot en tant qu'il frappe l'oreille, ce qui correspond à notre notion de la matérialité verbale, et nomen le mot en tant qu'il fait connaître. Seulement, ce qui n'est pas dans saint Augustin – parce qu'il n'avait pas lu Hegel – c'est la distinction entre la connaissance, agnoscere, et la reconnaissance. La dialectique de la reconnaissance est essentiellement humaine, et comme saint Augustin, lui, se situe dans une dialectique qui n'est pas athée...

 

R. P. Beirnaert : – Pourtant, quand il y a ce qui s'appelle, se rappelle, et se nomme, c'est de la reconnaissance qu'il s'agit.

 

Sans doute, mais il ne l'isole pas, parce qu'il n'y a pour lui, en fin de compte, qu'une reconnaissance, celle du Christ. Néanmoins, c'est certain, le thème au moins apparaît. Même les questions qu'il résout d'une façon différente de la nôtre sont au moins indiquées – il en va ainsi de tout langage cohérent.

 

R. P. Beirnaert : – Vous savez, c'est là l'essentiel.

 

Passez au deuxième chapitre, celui qui porte sur ce que vous avez appelé la puissance du langage.

 

R. P. Beirnaert : – Le titre en est – Que les signes ne servent à rien pour apprendre. Cette fois, il ne s'agit plus du rapport des signes aux signes, nous abordons le rapport des signes aux choses signifiables.

 

Du signe à l'enseignement.

 

R. P. Beirnaert : – C'est mal traduit, c'est plutôt au signifiable.

 

C'est donc ainsi que vous traduisez dicendum. Oui, mais saint Augustin nous a dit d'un autre côté que dicere, qui est le sens essentiel de la parole, c'est docere.

 

R. P. Beirnaert : – Je passe deux ou trois pages. Augustin affirme alors que le signe lorsqu'on l'entend, dirige l'attention sur la chose signifiée. A quoi il fait une objection intéressante au point de vue analytique, car on la rencontre de temps en temps. Qu'est-ce que tu dirais, demande-t-il à Adéodat, si un interlocuteur, par manière de jeu, concluait que si quelqu'un parle de lion, un lion est sorti de la bouche de celui qui parle ? C'est, répond Adéodat, le signe qui sort de la bouche et non la signification, non pas le concept, mais son véhicule. Maintenant, saint Augustin veut nous orienter vers ceci, qu'au fond, la connaissance vient des choses. Il demande d'abord ce qu'il faut préférer, de la chose signifiée ou du signe. Suivant un principe tout à fait universel à cette époque, on doit estimer les choses signifiées plus que les signes, puisque les signes sont ordonnés à la chose signifiée, et que tout ce qui est ordonné à autre chose est moins noble que ce à quoi il est ordonné. A moins que tu n'en juges autrement, dit saint Augustin à Adéodat. L'autre trouve une objection.

 

ad. – Si nous disons ordure, ce nom, à mon avis, est beaucoup plus noble que la chose signifiée. Car nous aimons mieux l'entendre que la sentir.

 

Cela permet d'introduire entre la chose dans sa matérialité et le signe, la connaissance de la chose, à savoir la science. Quel est le but, demande Augustin de ceux qui ont imposé un nom à une chose si honteuse et si méprisable ? Il s'agit d'avertir les autres du comportement à avoir envers cette chose. Et il faut tenir en plus haute estime que la chose la connaissance de la chose qu'est le mot lui-même.

 

aug. – La connaissance de l'ordure, en effet, doit être tenue pour meilleure que le nom lui-même, lequel doit être préféré à l'ordure elle-même. Car il n'y a pas d'autre raison de préférer la connaissance au signe, sinon que celui-ci est pour celle-là, et non celle-là pour celui-ci.

 

On parle pour connaître, non pas l'inverse. Autre problème – la connaissance des signes est-elle préférable à la connaissance des choses ? Augustin amorce seulement la réponse. Enfin il conclut ce développement en disant :

 

aug. – La connaissance des choses l'emporte non sur la connaissance des signes, mais sur les signes eux-mêmes.

 

Il revient alors au problème abordé dans la première partie.

 

aug. –  Examinons de plus près s'il y a des choses qu'on peut montrer par elles-mêmes, sans aucun signe, comme parler, marcher, s'asseoir, et autres semblables. Est-ce qu'il y a des choses qui peuvent être montrées sans signe ?

ad. – Aucune, si ce n'est la parole.

aug. – Est-ce que tu es tellement sûr de tout ce que tu dis ?

ad. – Je ne suis pas sûr du tout.

 

Augustin amène un exemple de chose qui se montre sans signe, qui m'a fait penser à la situation analytique.

 

aug. – Si quelqu'un, sans être au courant de la chasse aux oiseaux qui se pratique avec des baguettes et de la glu, rencontrait un oiseleur portant son attirail, et qui sans être encore à la chasse est en chemin, et si, en le voyant, il s'attachait à ses pas, se demandant avec étonnement ce que veut dire cet équipement, si maintenant l'oiseleur, se voyant observé, préparait ses baguettes dans l'intention de se montrer, et avisant un oiselet tout proche, à l'aide de son bâton et du faucon, l'immobilisait, le dominait et le capturait, l'oiseleur n'aurait-il pas, sans aucun signe, mais par son action même, instruit son spectateur de ce qu'il désirait savoir ?

ad. – Je crains qu'il n'en soit ici comme à propos de ce que j'ai dit de celui qui demande ce qu’est la marche. Je ne vois pas en effet que l'art de l'oiseleur soit ici montré totalement.

aug. – il est facile de te délivrer de cette préoccupation. Car je précise – si notre spectateur avait assez d'intelligence pour inférer de ce qu'il voit la connaissance entière de cette sorte d'art. Il suffit en effet pour notre affaire que nous puissions enseigner sans signes quelques matières sinon toutes, à quelques hommes au moins.

 

ad. – Je puis à mon tour ajouter que si cet homme est vraiment intelligent, quand on lui aura montré la marche en faisant quelques pas, il saisira entièrement ce que c'est que marcher. aug. – Je t'en donne la permission, et avec plaisir. Tu le vois, chacun de nous a établi que, sans employer de signes, quelques-uns pouvaient être instruits de certaines choses. L’impossibilité de rien enseigner sans signes est donc fausse. Après ces remarques, en effet, ce n'est pas l'une ou l'autre chose, mais des milliers de choses qui se présentent à l'esprit, comme capables de se montrer d'elles-mêmes, sans aucun signe. Sans parler des innombrables spectacles où tous les hommes font étalage des choses mêmes.

 

A quoi on pourrait répondre que, de toute façon, ce qui peut se montrer sans signes est déjà significatif, car c'est toujours au sein d'un univers, dans lequel sont déjà situés les sujets, que les démarches de l'oiseleur prennent un sens.

 

2

 

Le P. Beirnaert m'évite, par ce qu'il dit avec beaucoup de pertinence, d'avoir à vous rappeler que l'art de l'oiseleur ne peut exister que dans un monde déjà structuré par le langage. Il n'est pas besoin d'insister.

Ce dont il s'agit pour saint Augustin, ce n'est pas de ramener à la prééminence des choses sur les signes, mais de faire douter de la prééminence des signes dans la fonction essentiellement parlante d'enseigner. C'est ici que se produit la faille entre signum et verbum, nomen, l'instrument de l'enseignement en tant qu'instrument de la parole.

Saint Augustin fait appel à la même dimension que nous autres psychologues. Car les psychologues sont gens plus spirituels –  au sens technique, religieux du mot – qu'on ne croit. Ils croient, comme saint Augustin, à l'illumination, à l'intelligence. C'est ce qu'ils désignent, quand ils font de la psychologie animale, du nom d'instinct, à Erlebnis – je vous le signale au passage.

C'est parce que saint Augustin veut nous engager dans la dimension propre de la vérité qu'il abandonne le domaine du linguiste, pour prendre ce leurre dont je vous parlais tout à l'heure. La parole, dès qu'elle s'instaure, se déplace dans la dimension de la vérité. Seulement, la parole ne sait pas que c'est elle qui fait la vérité. Et saint Augustin ne le sait pas non plus, c'est pourquoi il cherche à rejoindre la vérité comme telle, et par illumination. D'où un renversement total de la perspective.

Bien entendu, nous dit-il, en fin de compte les signes sont tout à fait impuissants, car nous ne pouvons reconnaître nous-mêmes leur valeur de signes, et nous ne savons qu'ils sont des mots que quand nous savons ce qu'ils signifient dans la langue concrètement parlant. Dès lors, il lui est facile d'opérer un retournement dialectique, et de dire que, dans le maniement des signes qui s'inter-définissent, nous n'apprenons jamais rien. Ou nous savons déjà la vérité dont il s'agit, et ce ne sont donc pas les signes qui nous l'apprennent, ou nous ne la savons pas, et nous ne pouvons situer les signes qui s'y rapportent.

Il va plus loin, et situe admirablement le fondement de la dialectique de la vérité qui est au coeur même de la découverte analytique. En présence des paroles que nous entendons, dit-il, nous nous trouvons dans des situations très paradoxales – ne pas savoir si elles sont vraies ou pas, adhérer ou non à leur vérité, les réfuter ou les accepter, ou en douter. Mais c'est par rapport à la vérité que se situe la signification de tout ce qui est émis.

La parole, tant enseignée qu'enseignante, est donc située dans le registre de la méprise, de l'erreur, de la tromperie, du mensonge. Il va très loin, puisqu'il la place même sous le signe de l'ambiguïté, et non pas seulement de l'ambiguïté sémantique, mais de l'ambiguïté subjective. Il admet que le sujet même qui nous dit quelque chose, très souvent ne sait pas ce qu'il nous dit, et nous en dit plus ou moins qu'il ne veut dire. Le lapsus est même introduit.

 

R. R Beirnaert : – Mais il n'explicite pas que le lapsus puisse dire quelque chose.

 

C'est tout juste, puisqu'il le considère comme significatif, mais sans dire de quoi. Il y a lapsus pour lui quand le sujet signifie quelque chose d'autre – aliud – que ce qu'il veut dire. Autre exemple, tout à fait saisissant de l'ambiguïté du discours, l'épicurien. L'épicurien nous amène sur la fonction de la vérité des arguments qu'il croit réfuter. Mais ceux-ci ont en eux-mêmes une vertu de vérité telle qu'ils confirment chez l'auditeur la conviction exactement contraire à celle que l'épicurien voudrait lui inspirer. D'ailleurs, vous savez combien un discours masqué, un discours de la parole persécutée – comme dit le nommé Léo Strauss – sous un régime d'oppression politique par exemple, peut faire passer de choses en prétendant réfuter les arguments qui sont sa vraie pensée.

Bref, c'est autour de ces trois pôles, l'erreur, la méprise, l'ambiguïté de la parole, que saint Augustin fait tourner toute sa dialectique. Eh bien, c'est en fonction de cette impuissance des signes à enseigner – pour reprendre simplement les termes du R Beirnaert – que nous essaierons la prochaine fois d'aborder la dialectique fondatrice de la vérité de la parole.

Dans le trépied que je vous laisse, vous n'aurez aucune peine à reconnaître les trois grandes fonctions symptomatiques que Freud a mises au premier plan dans sa découverte du sens – la Verneinung, la Verdichtung, la Verdrängung. Car ce qui parle en l'homme va bien au-delà de la parole jusqu'à pénétrer ses rêves, son être et son organisme même.

 

23 juin 1954.